ਵਾਹ ਵਾਹ ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ ਆਪੇ ਗੁਰ ਚੇਲਾ ॥ ੧ ॥

vāho vāho gobind singh āpe gur chelā.

Gloire, gloire à Gurū Gobind Singh, tout à la fois Gurū et disciple.

Composé par Bhāī Gurdās Singh

Au printemps 1699: la naissance du Khalsa

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Au printemps 1699, Gurū Gobind Rae convoqua tous les Sikhs établis dans les diverses régions du monde indien, pour un grand rassemblement qui aurait lieu au village d’Anandpur Sahib, sur les contreforts himalayens du Penjab oriental. Rendez-vous serait donné pour la grande fête traditionnelle du printemps, Baisakhi ou Vēsākhī (le 13 avril, premier jour du mois de Vēsākh). Des milliers de Sikhs, hommes et femmes, convergèrent devant le fort de Keshgarh.

Gurū Gobind Rae y avait fait dresser une estrade ainsi qu’une tente de campagne. Il se présenta devant ses disciples et, brandissant son épée, il demanda à l’assemblée si quelqu’un lui offrait sa tête. On raconte que la foule resta interdite face à une demande aussi insolite. Mais un certain Daya Ram, commerçant à Lahore, se leva et se présenta au Gurū. Celui-ci le mena à sa tente, et en ressortit seul, demandant une autre tête. Là, ce fut Dharam Das, un paysan, qui accéda à la demande de son Gurū. Suivirent Mukham Chand, un imprimeur de calicot, Himmat, un porteur d’eau, et Sahib Chand, un barbier.

Peu après, ils ressortirent tous de la tente, vêtus de tuniques safran, armés d’épées et la tête ornée d’un haut turban. Gurū Gobind Rae était vêtu de même. Au centre de l’estrade, accompagné de son épouse Mata Sahib Devan, le Gurū plaça alors un sarb loh bātā, un chaudron en fer, dans lequel il versa de l’eau pure. Autour de lui, les cinq disciples s’assirent en méditant. S’agenouillant devant le chaudron, il y plongea son khandā, sa large épée, et l’acier frottant contre le fer, il entreprit de remuer l’eau en récitant cinq bānī : le Japjī Sāhib, le Jap Sāhib, le Tva-Prasād Svāiye, le Chaupaī et l’Anand Sāhib. Mata Sāhib y ajouta quelques morceaux de sucre patāshā : certains interprétèrent ce geste comme un acte de pure bonté afin d’adoucir une eau rendue âpre par le fer. L’eau, ainsi recueillie par le fer, bénie par le verbe, sanctifiée par l’épée et adoucie par le sucre, devint l’Amrit : le nectar d’immortalité. Gurū Gobind Rae en donna à boire à chacun des cinq disciples. Gurū Gobind Rāe le fit se relever, et les présenta à la foule comme les Panj Piāre : les « Cinq Bien-Aimés » qui, les premiers, avaient donné leur tête à leur gurū. Les cinq premiers amritdhārī, « ceux qui ont reçu l’Amrit ». Et les cinq premiers membres d’une nouvelle fraternité, la confrérie des « êtres purs » qui serait le cœur vivant de la communauté sikhe : le Khālsā. C’est pourquoi un shabd dit sangat kīnī khālsā : « c'est la sangat qui a généré le Khālsā », comme pour signifier que le Khālsā est l’expression la plus aboutie de la communauté des Sikhs.

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Alors humblement, Gurū Gobind Rāe s’agenouilla devant les Cinq Bien-Aimés. Leur offrant sa propre tête, il se fit simple disciple, aspirant au Khālsā et soumis à la volonté souveraine des Panj Piāre. Ceux-ci l’initièrent à leur tour, le bénissant de l’Amrit. C’est pourquoi le shabd célèbre le Gurū en tant que āpe gur chelā : « tout à la fois Gurū et disciple ».

Puis ce fut le tour de Mata Sahib Devan, et de milliers d’autres après elle : ainsi naquit le Khālsā, par le sacrifice des Cinq Bien-Aimés. Le Gurū les renomma publiquement Daya Singh, Dharam Singh, Mukham Singh, Himmat Singh et Sahib Singh. Lui-même devint Gurū Gobind Singh, et son épouse, Mata Sahib Kaur.

Singh vient du sanskrit singha, qui signifie « lion ». Depuis l’époque médiévale, Singh était un titre de noblesse porté par les hommes parmi les Rajpoutes, la caste guerrière du Rajasthan. Kaur vient du sanskrit kumār, qui désigne à l’origine une personne non mariée. Par extension, kumārī signifie « jeune fille, fille de, demoiselle, princesse ». Kumāri devient kauār ou kawār au Rajasthan, où il désigne le prince ou la princesse. Et Gurū Gobind Singh en retint la forme Kaur.

Singh et Kaur sont donc des noms associés à la noblesse dans la culture populaire (le Rajasthan est géographiquement et culturellement très proche du Penjab). Gurū Gobind Singh voulait que chacun·e porte un nom qui exprime les vertus de la royauté : la noblesse de caractère, la grâce de son attitude, le courage, la grandeur, la radiance. Gurū Gobind Singh s’adressait aussi à une majorité de petites gens, souvent des paysans et des petits artisans, méprisés et humiliés, portant en eux-mêmes la conscience de leur infériorité sociale voire spirituelle. Et, en Inde, le seul nom est déjà porteur de discrimination : on peut deviner la caste et l’origine sociale et géographique d’un individu par son seul nom ! Gurū Gobind Singh comme ses prédécesseurs voyaient l’humanité comme une, et n’avaient aucune considération pour la caste d’origine de leurs disciples : on est noble, non pas par sa naissance, mais par la pureté de sa conscience, par sa dévotion en action. Et c’est accessible à chacun·e, quelle que soit son origine. Dès lors, chacun·e fut donc engagé à abandonner son nom de caste au profit d’un nom royal. Et Gurū Gobind Singh fit ainsi d’un troupeau de moutons, tondus par les puissants, une armée de lions et de princesses qui ne coupent pas leur chevelure.

Gurū Gobind Singh les exhorta à respecter scrupuleusement le Rahit Maryada, le code de conduite des Sikhs, et à porter sur eux les panj kakkā, les « cinq choses dont les noms commencent par la lettre k » : kesh (les cheveux non coupés), kārā (un bracelet d’acier), kangh (un peigne en bois), kachherā (un caleçon long) et kirpān (une dague).

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Le rite de cette cérémonie n’a pas évolué depuis lors. Il porte les noms d’Amrit Sanskār (« cérémonie de l’Amrit ») ou de Khande dī Pāhul (« onction par l’épée »). Pāhul vient du sanskrit pād-jal, littéralement « eau des pieds », c’est-à-dire « eau bénie par les pieds d’une sainte personne ». En effet, il était de coutume en Inde de considérer que l’eau ayant été en contact avec les pieds d’une sainte ou d’un sage, ou l’eau ayant servi à laver les pieds de la statue d’une divinité, était sanctifiée et thérapeutique. On parlait aussi de charan amrit : l’eau « faite nectar par le contact des pieds » d’une âme pure. C’est ainsi que, par exemple, Gurū Har Krishan bénit un bassin d’eau pure à Delhi : il y trempa son pied et fit boire de cette eau aux habitants touchés par une épidémie de variole, qui en guérirent. Par la suite, pād-jal devint pāhul prit le sens « d’eau sanctifiée ».

Juin 2021 - par Ram Singh

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